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« Ce qui doit être dit », poème de Günter Grass

6
avr
par MKO
Société

Source : kapitalis

Günter Grass (Dantzig 1927), écrivain, artiste et intellectuel allemand, prix Nobel de littérature en 1999, se trouve ces jours-ci au centre d’une controverse qui agite le monde politique et littéraire en Europe et aux Etats-Unis, à l’occasion de la publication le 4 avril 2012 par quatre quotidiens internationaux ‘‘Süddeutsche Zeitung’’, ‘‘El País’’, La Repubblica’’ et ‘‘The New York Times’’ d’un poème en prose, intitulé « Ce qui doit être dit ».

Dans ce texte l’auteur du ‘‘Tambour’’ accuse l’Etat d’Israël de constituer une menace sérieuse pour la paix dans le monde. Ecrit dans le style pamphlétaire, mariant à la fois le phrasé techniquement politique au souffle poétique qui vise à susciter l’émotion plutôt que de déclencher des polémiques. Grass a choisi curieusement de s’exprimer grâce à un poème pour briser l’omerta généralisée – selon lui justifiée par la crainte de se voir taxé d’antisémitisme – qui entoure le soutien inconditionnel de l’Allemagne fédérale à l’Etat hébreu comme forme d’expiation de ses fautes passées.

Le poème écrit au soir de sa vie, avec, comme il le dit « l’ultime encre », n’ajoute véritablement rien à la qualité de son œuvre monumentale, mais il demeure toutefois un témoignage édifiant sur les entraves à la liberté d’expression y compris dans les pays les plus démocratiques.

« Ce qui doit être dit » peut être lu aussi comme un testament à forte imprégnation morale, au sens ou le choix de poétiser à partir de l’indicible stigmate que chaque allemand porte en lui-même, peut être considéré comme une mise en garde contre les risques qu’une culpabilisation qui ne prend pas en compte équitablement les droits d’autrui à la vie, peut engendrer des nouvelles tragédies et contribuer à la perpétration des nouveaux crimes.

Poème de Günter Grass, « Ce qui doit être dit »

Pourquoi dois-je garder si longtemps le silence

Sur ce qui est manifeste et auquel on a eu recours

Dans des jeux de guerre, au terme de laquelle, nous survivants

finissons comme des notes de bas de page.

Sur ce prétendu droit d’attaque préventive

Qui pourrait anéantir le peuple iranien,

Soumis et conduit à la joie organisée

par un fanfaron,

Parce qu’on soupçonne dans sa juridiction

La fabrication d’une bombe atomique

Mais, pourquoi m’abstiendrais-je de citer

Cet autre pays où

Depuis des années – bien que tenu secret –

On possède l’arme nucléaire développée,

En dehors de tout contrôle, puisque

inaccessible à toute inspection ?

Le silence unanime sur cette question

Auquel obéit mon propre silence

Je le ressens comme un mensonge pesant.

Et contrainte qui menace aussitôt de frapper

quiconque refuse de s’y plier ;

De l’habituel verdict d’« Antisémitisme »

Maintenant, parce que mon pays,

Accablé et réprouvé maintes et maintes fois

Pour des crimes spécifiques

Sans aucun équivalent,

A nouveau et par routine, bien que

D’office considéré comme réparation,

Va livrer à Israël un autre sous-marin capable

de lancer des missiles destructeurs

sur l’endroit où personne n’a prouvée

L’existence d’une seule bombe,

Même si on voulait fournir comme preuve la crainte…

Je dis ce qui doit être dit

Pourquoi m’être-tu trop longtemps ?

Parce que je croyais que mon origine

Marquée d’un stigmate indélébile,

m’interdisait d’attribuer ce fait, tout à fait évident.

Au pays d’Israël, auquel je suis lié

Et désire le rester,

Pourquoi ne le dis-je que maintenant,

Vieillissant et avec mon encre ultime ;

Israël puissance atomique menace

La paix déjà fragile dans le monde ?

Parce qu’il faut dire

ce qui doit être dit maintenant, car demain il sera trop tard,

Pourquoi – déjà suffisamment incriminés comme Allemands –

Prendrons-nous le risque de devenir complices d’un crime

Annoncé, ou notre part de culpabilité

Ne pourra disparaître

Par aucune des excuses habituelles ?

J’avoue : je ne me tairai plus

Parce que j’en ai assez

De l’hypocrisie de l’Occident et on peut espérer

que beaucoup se libèrent aussi de leur silence, et exigent

de l’auteur de cette menace avérée qu’il renonce

A l’usage de la force, et insistent

Pour que ces deux pays acceptent

Le contrôle permanent et sans entraves

Par une instance internationale

De la puissance atomique israélienne

et des installations nucléaires iraniennes.

Alors seulement, nous pourrions aider tout le monde, Israéliens et Palestiniens,

Et tous les êtres humains qui dans cette région

Habitée par la folie

Vivent côte-à-côte dans l’inimité,

A se détester réciproquement,

Et nous aider enfin nous-mêmes aussi.

Traduit par Abdelatif Ben Salem

Voir en ligne : kapitalis


1 Message

  • « Ce qui doit être dit », poème de Günter Grass 14 avril 2012 12:59, par Retraité

    Quoi, Günter Grass « ose affirmer » qu’Israël menace la paix du monde ! Mais enfin qui l’ignore ? à part le carré d’intellectuel sioniste soutenu par le crif qui sévissent dans nos médias et qui s’efforcent a chaque fois de nous rappeler la shoa, cette position victimaire systématique d’Israel et des juifs est usée, mais cet état qui se vit comme l’avant-garde de la race blanche, qui a encouragé le gouvernement américain à détruire l’Irak sous le prétexte mensonger « d’armes de destruction massives » tout en sachant (de nombreux spécialistes le disaient) que cela placerait l’Iran sur le devant de la scène, s’efforce aujourd’hui de l’entraîner dans une guerre contre ce dernier. Vous y croyez vous, à cette fable de l’Iran projetant de détruire Israël ? Je crois moi aux risques mortels d’un monde occidental entraîné par les extrémistes israéliens et leurs alliés néo-conservateurs.


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